Le Maître du Thé et la philosophie Zen

Synopsis

    Monsieur Rikyu (1522-1591), Grand Maître de thé issu du bouddhisme zen, a assisté à la mort de beaucoup de samouraïs.
Et il est mort à la façon d’un samouraï : Il s’est fait hara-kiri à l’âge de 69 ans. Pourquoi s’est-il donné la mort ?

 Son disciple Honkakubô tente d’élucider le mystère de ce suicide.

Attention ptit con :

    Cet article n’a pas à vocation de définir le Chanoyu. 

   La réflexion est centrée sur Le Maître de Thé Rikyu, le contexte social dans lequel il a vécu et sa philosophie. 

  Un article plus complet sera dédié à cette cérémonie, ses gestes, sa symbolique et son histoire.
    En attendant, je vous conseille la lecture de l’article Wikipedia qui est très bien écrit : Article.Petit con !

 

Le Japon du XVIème siècle

   Le récit s’inscrit dans un contexte historique particulier : Avant sa mort, Maître Rikyu était au service d’un homme puissant qui a beaucoup influencé le Japon : Le Taïkio Hideyoshi. 

Jean-Christophe Dardart est passionné par cet homme. 
Conflits armés :

Le Japon n’est pas stable politiquement et les guerres de clan sont nombreuses. Chaque clan cherche à mettre son représentant au pouvoir. 


   On est aussi dans un contexte de guerre avec la Corée.

   Il règne dans la société japonaise un climat de rigidité  marqué par un respect très strict de l’autorité.


   Au cours du récit, le Taïko demande plusieurs fois à ses sujets de faire Hara-Kiri. 

Multiplicité spirituel :

    Plusieurs courants de pensée très différents coexistent à cette époque : Bouddhisme Zen, Taoïsme, Shintoïsme… 
    Des rivalités existent aussi, surtout lorsqu’il s’agit d’obtenir des appuis politiques et de l’argent pour faire construire des temples. 

   Il est même fait mention d’un temple brûlé au cours du récit.

Qu’est-ce qu’un maître de Thé ?

    Le Maître de Thé est celui qui dirige la cérémonie du Thé appelée ChanoYu et forme des disciples qui deviendront à leur tour des Maîtres. Mais son rôle est plus vaste encore .

    Le Maître doit allier trois compétences

– La connaissance des ustensiles nécessaires à la préparation du thé. Ils sont très souvent d’origine chinoise et occasionnellement d’origine coréenne ou japonaise.

 – La pratique et la supervision du Chanoyu qui se pratique seul ou à plusieurs. Des invités de marque tels que des samouraïs sont souvent initiés par un Maître de Thé lors d’un Chanoyu.

– La compréhension et l’enseignement du bouddhisme zen. Même en dehors de la cérémonie du thé, le Maître du Thé doit continuer à incarner cette spiritualité au quotidien.

Le Maître de Thé et son importance dans la société.

   En plus d’animer le Chanoyu, le maître de Thé est en contact avec de nombreuses personnes influentes du Japon.

Il entretient en effet des relations avec de nombreux moines Bouddhistes qui n’ont pas toujours de lien avec la cérémonie du Thé. 
    Au XVIIe siècle, certains grands seigneurs aiment s’aménager une salle dédiée au Cha No Yu dans leur château et s’entourent même d’un Maître du Thé.

Celui-ci pouvait en certaines occasions servir de conseiller politique.

    La cérémonie du thé pouvait servir d’évenement durant lequel plusieurs clans étaient conviés afin de tisser des alliances ou simplement pour se retrouver.

D’autres, plus restreintes, étaient prétexte à des accords secrets.

Et le thé dans tout ça ?

      Paradoxalement, le roman aborde très peu le cas du thé. Il est fait une seule fois mention du cultivateur dont les théiers servent à l’élaboration du précieux breuvage. 

     En fait, le matcha est d’avantage un outil à la méditation et à la compréhension de la philosophie Zen qu’une finalité en soi.

Mediumnité et cohabitation avec le surnaturel

     Le récit fait plusieurs fois intervenir des éléments surnaturels directement liés à la disparition de Maître Rikyu et aux croyances japonaises.

Honkakubo le Medium

    Une particularité a marqué mon attention dans ce récit : les discussions fugitives entre Honkakubô et son maître décédé. 

   Le moine entre-apperçoit en effet à plusieurs reprises le fantôme de Rikyu .

Ce dernier ne répondant aux questions de son disciple que par des phrases énigmatiques et des paraboles.

Le sentier de la mort

     Le contact entre le maître et l’élève intervient aussi dans les rêves de Honkakubo : les deux hommes parcourent ensemble un chemin décrit comme austère. 

     Ce sentier pédestre pourrait symboliser la mort mais aussi le DO qui est le chemin spirituel d’une personne. Pour Maître Rikyu, il s’agirait d’une voie d’humilité et d’authenticité (style « sain et simple » ) . 


     Maître Rikyu avoue lui même que d’autres Maîtres du Thé parcourent ce chemin mais pas au même moment.

Perte de mediumnité

Plus Honkakubo cherche à comprendre la raison de la mort de son maître, plus il éprouve de la difficulté à rentrer en communication avec lui. 

    Le mental et le manque de lâcher prise du moine vient en quelque sorte perturber ses capacités médiumniques.

    A la fin du roman, Honkakubo a une dernière vision de la mort de son maître  : il le voit dans un dojo entouré par tous les maîtres du thé venus assister son suicide.

Une société shintoïste

     Aux yeux de nos contemporains, converser avec une personne décédée relève soit de la pathologie mental, soit de la charlatanerie.

Le sujet de médiumnité est souvent ri dans notre société rationaliste.

Mais le récit se situe au Japon du début XVIIème siècle, une civilisation marquée par diverses religions telles que le Shintoïsme.

Dans cette croyance, les esprits des humains mais aussi ceux de la nature (les Kamis) sont omniprésents et interagissent avec les vivants.

Le choix philosophique de Maître Rikyu

     Une partie du récit prend la forme d’ une enquête policière dans laquelle Honkakubo joue le rôle d’inspecteur de police.
Au fil de ses pérégrinations et de ses rencontres, il cherche à comprendre pourquoi et comment est mort son Maître.

   On comprend petit à petit qu’il existe une raison philosophique et symbolique à la mort de Rikyu.

    L’ ordre de se suicider

     On apprend que le Taïko Hideyoshi en personne a demandé à Maître Rikyu de mettre fin à ses jours.
Ce dernier avait en effet critiqué les guerres qu’il menait contre les coréens. 

   Pourtant, le Taïko s’est ravisé et a supplié Rikyu de ne pas mettre fin à ses jours……  

 Alors que s’est il passé ??

Budo


« Monsieur Rikyu a assisté à la mort de beaucoup de samouraïs…

Quand on a assisté à la mort de tant de guerriers, on ne peut pas se permettre de mourir dans son lit !  » . 

     La philosophie des samouraïs enseigne que lors d’un combat, il faut avoir conscience de l’imminence de sa mort pour bien combattre son adversaire.

    Plus généralement, c’est face à la mort qu’on découvre toute la beauté de la vie et qu’on savoure chaque instant comme si c’était le dernier. 


     Maître Rikyu lui même avoua à l’un de ses compères qu’il sentait une stagnation dans son art….


      Mais à force de côtoyer des samouraïs qui buvaient le thé quelques jours avant de mourir au combat, il a finit par s’imprégner de leur philosophie de mort. 


     Lorsque l’ordre de mourir lui a été donné, sa capacité à savourer chaque instant de sa pratique du thé a été décuplé. Cela a ainsi été une occasion pour lui de franchir un nouveau palier de compréhension du Chanoyu.

     Il a donc persisté à vouloir mourir même lorsque son Maître est revenu sur sa décision.

Philosophie Zen

    La cérémonie du thé a été importée au Japon par les bouddhistes Zen venant de Chine.
Dans cette philosophie, il ne faut pas sans cesse lutter contre les évènements de la vie mais les accepter et « surfer » sur la vie. 

    Il y a beaucoup de points en commun entre la philosophie du Surfeur et celle du Bouddhiste.
Le jeune surfeur, avec son physique avantageux, a l’audace de lutter contre la vague. Mais l’océan finit toujours par l’emporter.
Le vieux surfeur accepte la vague et se sert de sa puissance à son propre avantage.  

    Maître Rikyu a accepté l’ordre qui lui a été donné de mourir. Et même lorsque son Maître est revenu sur sa décision, il a tout de même accepté avec gratitude la mort comme un signe du destin. 

     Cette mort imminente lui a ainsi permis de gagner d’avantage en compréhension de son art.